C'est à pied que je fis la route depuis Dôle jusqu'au Manoir. J'étais nerveuse. Très. Cette place dont m'avait parlé le sieur Beren était terriblement tentante. Il m'avait même proposé de venir avec mon tendre époux, Gabriel. Mon Senher étant parti en voyage, j'avais bien le temps de seconder la gouvernante du manoir qui, d'après Beren, était bien âgée pour tout gérer seule.
Je ne pensais ne jamais pouvoir être la servante d'un autre que d'Ersinn, si je lui avais offert ma liberté, c'était par amitié tout d'abord et parce que je savais qu'il avait besoin de moi, surtout depuis la mort de son épouse. Je ne me sentais d'ailleurs pas servante, mais plutôt soutien.
Là, ce serait différent. Toute une famille vivait ici, et c'était surtout l'idée de vivre sous le même toit que Beren qui m'avait alléché. J'étais amoureuse. Passionnément. Et ce même si je restais amante de mon mari qui comptait pour moi à l'infini, ce que je ressentais pour le Sieur de la Fiole Ebréchée me vrillait les entrailles, mettait mes sens en alerte. Je savais qu'Idril m'accepterait, j'osais espérer que nous étions amie et je l'appréciais énormément, mais pour le reste des membres de la mesnie... Et si je ne faisais pas l'affaire?
Posant ma besace par terre, j'espongeai mon front et regardai la grande grille qui se trouvait devant moi. J'étais épuisée, je portais encore les séquelles de mon accouchement et il me faudrait du temps pour retrouver ma forme d'antan.
Petite comme j'étais, je me mis sur la pointe des pieds et tirait sur la corde pour faire tinter la cloche.