Elle s'était bien couverte pour braver le froid qui tombait sur la Franche-Comté, un capuchon lui tombait sur le visage et ses mains gantés tenaient fermement les rênes de la carriole. Elle n'avait pas souvenance d'un hiver aussi rigoureux que cette année, dans dix jours le Printemps s'annoncerait et pourtant le paysage portait encore la tristesse de l'hiver.
Peut-être était-ce cela aussi qui l'avait tant affaibli et faisait qu'elle passait beaucoup de temps au monastère. Là-bas, les moines médicastres lui apportaient une grande aide et lui permettaient d'envisager un tant soit peu l'avenir.
Oooh Falyne, doucement, c'est ici...
Elle descendit pour caresser l'encolure de sa jument. Une légère fumée sortait de ses naseaux, trahissant la fraîcheur de l'air. La jument était baie et depuis toujours présente dans la vie de Sara. C'est avec elle qu'elle avait parcouru des sentiers interminables qui la mena jusqu'à Pontarlier, elle aussi qui l'accompagna dans toutes ses missions militaires, qui lui avait permis de s'évader l'esprit lors du départ de Franchesco... Et si la jument paraissait encore robuste, quelques poils gris trahissaient son âge. Aussi vieille que Sara.
Je partirais avant toi bourrique, murmura Sara en lui grattant derrière l'oreille.
Elle avança vers les grilles et regarda droit devant elle le manoir. Une boule lui monta à la gorge et elle souffla doucement. Comme un voile se posa sur ses yeux et les brouilla, ou alors était-ce les larmes ?
Elle vit des gens danser, l'odeur des fleurs qui embaumait l'air, Pegasine en robe blanche dans les bras d'Hartasn... Elle entendit les cris de nouveaux nés et le rire cristallin de leur mère, elle vit deux petits anges qui courraient innocemment dans les couloirs et la douleur dans les yeux d'une mère qui venaient d'en perdre deux autres.
Elle rouvrit les yeux et ne vit que les grilles du manoir, une larme roula sur sa joue. Tant de souvenirs étaient présents ici et lui montaient à l'esprit, tant de gens partis trop tôt...
Je sais que tu es là Peg.
Elle reprit ses esprits et souffla doucement avant de tirer la cloche pour s'annoncer.